Antoine Lequeux (Keolis) : la mobilité dans le sang
- La rédaction d'Orléans Capitale
- il y a 5 jours
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À la tête de Keolis pour la métropole Orléanaise depuis 2022, Antoine Lequeux pilote la transformation du réseau de transport TAO au cœur d’une métropole en pleine mutation. Entre innovations, développement du vélo en libre-service, modernisation de l’offre et enjeux environnementaux, il détaille sa vision d’une mobilité plus souple, accessible et connectée. Un entretien sans détour sur les défis de demain, la place de la voiture, et les équilibres économiques à trouver, avec un véritable passionné.

Quel est votre parcours, et comment êtes-vous arrivé à la tête de Keolis Orléans Métropole Mobilités ?
Je suis ingénieur de formation, originaire d’Angers, diplômé des Arts et Métiers. J’ai toujours eu un lien particulier avec la Loire — c’est un territoire qui me parle, je me rappelle avoir pêché dans le fleuve. Après un début de carrière à la SNCF, j’ai géré jusqu’à 240 personnes à Paris, puis j’ai travaillé à Bordeaux sur l’exploitation ferroviaire et la maintenance des TER et TGV. En 2017, j’ai rejoint Keolis comme directeur technique et projets, en charge de la maintenance de l’ensemble des modes de transport à Bordeaux : bus, tram, vélos en libre-service, navettes fluviales…
J’ai notamment contribué à l’appel d’offres pour renouveler l’exploitation du réseau bordelais. À l’issue de cette mission, Keolis m’a proposé de prendre la direction générale à Orléans, où je suis arrivé en septembre 2022, notamment pour travailler sur le nouvel appel d'offres (la DSP a été renouvelée en octobre 2024). Ici, nous sommes environ 750 salariés, auxquels s’ajoutent nos sous-traitants, ce qui porte l’ensemble du réseau TAO à près de 1 000 personnes.
Quels ont été vos premiers axes d’action à Orléans ?
Dès mon arrivée, j’ai mis en place un comité de direction structuré. L’objectif est clair : moderniser le réseau TAO, améliorer la communication et développer la fréquentation. Nous avons par exemple pelliculé certaines rames de tram pour les rendre plus visibles et attractives, et profité de l’ouverture de la station CO’MET, en janvier 2023, pour communiquer sur l’accessibilité du site en transport en commun.
Quelle est votre vision de la mobilité aujourd’hui ?
La mobilité évolue rapidement, en France comme dans le monde. On assiste à un détachement progressif vis-à-vis de la voiture, même si celle-ci reste incontournable dans certains cas. L’objectif n’est pas de tout faire en transport en commun, mais de proposer une offre complémentaire, cohérente et fiable. Vélos, tram, bus, voiture, taxis… on parle désormais d’un écosystème global de mobilité.
Nous travaillons sur des solutions adaptées : par exemple, un service de transport à la demande de nuit, bientôt disponible 24h/24 et 7j/7, à partir de septembre. Un usager pourra réserver une course à 4h du matin pour se rendre à l’hôpital, en définissant simplement son point de départ et d’arrivée.
Sur la gratuité des transports, quelle est votre position ?
La gratuité, ce n’est jamais gratuit. Si l’usager ne paie pas, il faut compenser le manque à gagner — ici, environ 20 millions d’euros par an, soit près de 70 € par habitant, même pour ceux qui ne prennent pas les transports. Je suis favorable à une tarification solidaire, comme celle en place, où chacun contribue selon ses moyens. Aujourd’hui, les usagers ne paient déjà qu’environ 25 % du coût réel d’un trajet.
Comment se passent les relations avec Orléans Métropole ?
Elles sont bonnes, car nous partageons la même ambition. Cela dit, il faut composer avec la temporalité politique, souvent plus longue que celle de l’opérationnel. Les validations, avenants ou arbitrages prennent du temps, c’est normal, mais cela peut ralentir certains projets.
Un autre point de discussion : l’espace public. Réduire la place de la voiture ou supprimer des stationnements suscite des oppositions. Faire la promotion des mobilités douces dans ce contexte est parfois compliqué. Il faut accompagner ces changements, faire de la pédagogie auprès des citoyens, des commerçants… On ne peut pas conserver une autoroute urbaine 2x2 voies comme sur les mails en centre-ville : aucune autre ville ne le fait encore aujourd’hui. C’est aussi notre rôle de séduire les habitants, de nous employer à rendre les transports en commun désirables. J’ai la mobilité dans le sang.
Quelles sont les nouveautés en matière d’offres et d’innovation ?
Nous lançons un nouveau service de vélos en libre-service, une première en France dans sa configuration : 20 minutes gratuites, puis 2 € pour 10 minutes. À titre de comparaison, la moyenne en France est autour de 3,20 €. 650 vélos seront déployés au 1er juillet dans 9 communes de la métropole, soit deux fois plus que l’offre actuelle. Les stations seront virtuelles, identifiées au sol. Pour l’instant, pas de trottinettes : cela dépend de l’accord des maires. On commence avec les vélos, dans une première approche.
Nous utilisons aussi des algorithmes pour analyser les usages et ajuster l’offre. Le vélo permet même d’embarquer une deuxième personne sur le porte-bagage — un modèle conçu par Pony, une start-up d’Angers.
Et du côté des véhicules et de l’environnement ?
Nous visons un mix énergétique : véhicules électriques, hybrides ou thermiques alimentés au biocarburant. En quatre ans, nous avons réduit nos émissions de CO2 de 80 % — c’est la plus forte baisse enregistrée en France. Mais cela a un coût : en 2023, nos factures d’électricité ont été multipliées par trois par rapport à 2022. Cela a fortement impacté notre budget. La hausse a été prise en compte dans le contrat de la nouvelle DSP.
Quels projets à venir pour simplifier l’expérience usager ?
Nous développons une nouvelle application mobile, prévue pour septembre 2025, qui unifiera l’ensemble des services. Le dépôt de bus de La Source va être modernisé avec le soutien de la métropole. Nous allons également ouvrir une "Maison de la Mobilité" place d’Arc, à la place de l’ancien centre optique, en partenariat avec Orléans Gestion. Ce sera un lieu unique pour accompagner les usagers dans leur parcours de mobilité. En parallèle, nous soutenons des initiatives comme les ateliers de sécurité routière avec l’association 1-Terre-Actions.
Un mot sur le réseau et l’emploi local ?
Le réseau TAO représente aujourd’hui 36 millions de voyages par an, soit environ 150 000 par jour. Keolis, c’est 60 000 collaborateurs au niveau mondial. Ici à Orléans, nous travaillons aussi avec des acteurs locaux : API Orléans pour le pelliculage, des fournisseurs comme Alstom, ou IVECO basé à Lyon. La dynamique est à la fois locale et internationale (Keolis est détenu à 70% par la SNCF et à 30% par la Caisse de dépôt du Québec).
Enfin, nous avons lancé une navette spéciale entre La Source et le pôle logistique Pôle 45 (pour Amazon, entre autres), sur des horaires adaptés (5h, 13h, 21h), pour répondre aux besoins des entreprises et des salariés.
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